Variété de canaux ionique n’est pas synonyme de diversité fonctionnelle dans un neurone

Les neurones produisent une activité électrique qui est caractérisée par des dépolarisations transitoires (potentiels d’action) qui transportent l’information dans le système nerveux. Le mode de décharge des potentiels d’action varie d’un groupe de neurones à un autre, et cela permet l’intégration de l’information qu’elle vienne de l’organisme ou de la périphérie, afin de déclencher la réponse appropriée (par exemple la locomotion). Les potentiels d’actions peuvent être regroupés de façon différente ce qui défini le mode de décharge d’un neurone (en bouffée, tonique ou phasique etc.).

Chez l’adulte, ces modes de décharge sont sous-tendus par une grande variété de canaux membranaires dépendant du voltage perméable à des ions tels que les ions potassiques, sodiques ou calciques. Ces familles de canaux se caractérisent par des propriétés cinétiques particulières d’activation et de désactivation.

Pendant longtemps, cette diversité fonctionnelle a été considérée comme acquise progressivement au cours du développement, avec une diversité des canaux ioniques augmentant avec le temps.

Cependant de précédentes études sur le développement embryonnaire d’un interneurone de la moelle épinière (la cellule de Renshaw), réalisées au laboratoire Neurosciences Paris-Seine, remettaient en cause ce dogme. Les chercheurs avaient découvert qu’un neurone nouveau-né était capable de produire des modes de décharge multiples. Ils ont ainsi pu en conclure qu’il existait déjà une diversité fonctionnelle au sein d’un groupe de neurones chez l’embryon.

Dans l’article publié dans eLife, l’équipe de Pascal Legendre a recherché les mécanismes induisant cette diversité fonctionnelle observée au début du développement. Les chercheurs ont alors combiné des études expérimentales et des modélisations mathématiques (théorie des systèmes dynamiques), qui leur ont permis de découvrir que la diversité fonctionnelle des cellules de Renshaw chez l’embryon était la résultante d’une interaction dynamique entre seulement deux types de canaux ioniques générant des courant opposés : l’un laissant passer les ions sodiques, l’autre les ions potassiques. Chez l’adulte cette diversité est le résultat d’une combinaison complexe de plusieurs types de canaux ioniques.

Grâce aux analyses bio-informatiques les chercheurs ont monté qu’il existait des états de stabilité et d’instabilité conditionnant un mode de décharge plutôt qu’un autre. Ces états dépendent de l’expression relative d’un type de canal par rapport à l’autre.

Cette découverte montre que contrairement à ce qui était envisagé, il n’est pas nécessaire d’avoir une grande variété de canaux ioniques pour produire de la diversité fonctionnelle dans un neurone. Ces résultats ont des implications générales concernant notre compréhension du traitement de l’information par un neurone. Ils démontrent qu’une multiplicité des mécanismes n’est pas nécessaire pour produire de la diversité, cette diversité pouvant être produite par les variations dynamiques au sein d’un mécanisme simple impliquant seulement deux acteurs ayant chacun des effets opposés.

Les prochains travaux permettront de vérifier l’hypothèse selon laquelle l’augmentation de la diversité des canaux ioniques observée au cours du développement a pour conséquence de stabiliser un mode de décharge particulier et que la combinaison dynamique de l’ensemble de leurs propriétés serait la source de cette stabilité.

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1Équipe Développement de l’Organisation Spinale

Two Opposite Voltage-Dependent Currents Control the Unusual Early Development Pattern of Embryonic Renshaw Cell Electrical Activity. Boeri, J.; Meunier, C.; Le Corronc, H.; Branchereau, P.; Timofeeva, Y.; Lejeune, F.-X.; Mouffle, C.; Arulkandarajah, H.; Mangin, J. M.; Legendre, P.; Czarnecki, A. eLife 2021, 10, e62639. https://doi.org/10.7554/eLife.62639.