L’homéostasie de la
croissance participe à la robustesse de la taille des organes et est par
conséquent fondamentale chez les bilatériens lors du développement d’organes
symétriques. Dans ce cadre, nous avons montré l’importance d’une cycline transcriptionnelle,
la Cycline G, chez la drosophile1. En effet, l’expression d’une
forme potentiellement plus stable de cette cycline augmente l’asymétrie
fluctuante des organes, en d’autres termes, diminue la robustesse de leur
taille1. Nous utilisons la dérégulation de Cycline G pour rechercher
les bases génétiques et épigénétiques du contrôle de l’homéostasie de la
croissance. Cycline G interagit avec plusieurs facteurs connus pour façonner
l’épigénome. Notamment, elle se lie avec un Enhancer de Trithorax et Polycomb
(Corto) et une protéine du complexe Polycomb PR-DUB (ASX)2. Nous
avons démontré l’importance de son interaction avec les complexes Polycomb
PR-DUB et PRC1 pour l’homéostasie de la croissance3. Par ailleurs, Cycline
G et Corto interagissent avec la protéine ribosomique RPL12 qui possède une
activité extra-ribosomique et contrôle la transcription4. Ce rôle
transcriptionnel est lié à l’interaction directe entre le chromodomaine de
Corto et une forme méthylée de RPL12 (RPL12K3me3)4. Cette
méthylation pourrait réguler l’activité transcriptionnelle de RPL12 d’où
l’intérêt d’identifier l’enzyme déposant cette marque. Nous venons de montrer
que dSETD4 pouvait remplir cette fonction. Corto, RPL12 et Cycline G régulent
l’expression de gènes impliqués dans la biogenèse des ribosomes. Or, l’asymétrie
fluctuante des ailes s’accompagne d’une augmentation de l’expression des gènes
impliqués dans la traduction, notamment les gènes codant les protéines
ribosomiques, et d’une diminution de l’expression des gènes impliqués dans
l’activité mitochondriale et le métabolisme3. Ainsi, nous testons
l’hypothèse qu’un réseau centré sur les trois protéines Cycline G, Corto et
RPL12 assure l’homéostasie de la croissance en exerçant simultanément un
contrôle épigénétique de la biogenèse des ribosomes, de l’activité
mitochondriale et du métabolisme. En recherchant les interacteurs génétiques et
physiques de ces trois protéines et en testant leur importance pour la symétrie
des organes, nous bâtirons progressivement ce réseau.
C’est également un
réseau de gènes que nous cherchons à construire pour disséquer les mécanismes
de la plasticité phénotypique. Nous avons tout d’abord identifié le cœur d’un
réseau de régulations géniques qui contrôle la plasticité de la pigmentation en
réponse à la température chez la drosophile5. Pour compléter ce
réseau, nous avons réalisé des analyses transcriptomiques de l’épithélium de
femelles élevées à différentes températures. Nos expériences ont révélé que le
gène tan, qui code une enzyme de pigmentation, est un effecteur majeur
de ce réseau et que l’activité de son enhancer t-MSE est modulée par la
température6. Le gène yellow,
qui code une autre enzyme de pigmentation, est impliqué dans une moindre mesure
dans la plasticité de la pigmentation7. L’expression de régulateurs
de tan, les gènes bab1 et bab2, est sensible à la température8. La plasticité transcriptionnelle
de tan est donc au moins en partie
une conséquence de celle de bab1 et bab2. Or, l’activité d’un enhancer des
gènes bab1 et bab2 est également sensible à la température et cela est en partie dû
à sa régulation par la protéine Hox Abdominal-B8. Les gènes bab1, bab2 et Abd-B jouent ainsi
un rôle central dans le réseau de régulations géniques de la plasticité
pigmentaire. Par des expériences complémentaires (crible simple hybride dans la
levure, crible génétique ciblant des facteurs de transcription et des
régulateurs de la chromatine, normes de réaction), nous avons identifié d’autres
gènes impliqués dans la pigmentation abdominale et parmi ceux-ci des
régulateurs de tan sensibles à la
température. Des expériences d’épistasie nous permettent de positionner l’ensemble
de ces gènes dans le réseau de
régulations géniques de la plasticité pigmentaire. Notre objectif est de
modéliser ce réseau. Par ailleurs, nous avons montré que de la variation
génétique dans t-MSE et dans un enhancer de bab1
et bab2 modulait la pigmentation dans
les populations naturelles 8,9,10. Le fait que ces enhancers médient
l’effet de l’environnement6,8 et accumulent de la variation
génétique avec un impact fonctionnelpose la question fondamentale des
liens entre plasticité phénotypique et évolution11. Enfin, nous
avons montré le rôle des contraintes développementales liées à la mise en place
des muscles du vol sur les patrons de pigmentation12. De telles
contraintes pourraient également avoir un impact sur l’évolution.
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