Insect Cognitive Neuroethology (ICON)

L’équipe ICON se focalise sur l’étude des principes et mécanismes sous-jacents à la neuroplasticité dépendante de l’expérience chez les insectes, en particulier les abeilles. Notre objectif est de caractériser les bases neurales et cognitives chez ces animaux, objectif que nous tentons d’atteindre à l’aide d’une approche basée sur les neurosciences intégratives. Pour cela, nous utilisons différents protocoles pour induire des réponses comportementales faisant appel à une variété de modalités sensorielles.

Malgré l’existence de l’idée reçue que seuls les gros cerveaux abritent des capacités cognitives de haut niveau, les abeilles sont un parfait exemple d’une cognition sophistiquée tout en étant dotées de cerveaux miniatures. Elles démontrent des capacités d’apprentissage de haut niveau comme la catégorisation et l’apprentissage de concepts. Elles sont aussi capables de discriminations complexes, et même de maîtriser des concepts de numérosité, ce qui les démarque des autres insectes. Ces capacités sont médiées par un cerveau miniature de seulement 950 000 neurones, que nous pouvons explorer en laboratoire.

Left : honey bee brain ; right : a mushroom body, a higher-older structure in the bee brain

Dans notre recherche, nous adaptons des cadres conceptuels dérivés de la psychologie expérimentale et de la neuro-éthologie pour étudier la complexité de la cognition de l’insecte, à partir de questions tournant autour de l’apprentissage et de la mémoire visuelle, olfactive et gustative. Nous utilisons des approches comportementales, ce qui nous a permis d’établir une variété de protocoles novateurs pour conditionner des insectes, mais aussi des approches neurales, en combinant différentes techniques invasives pour enregistrer l’activité neurale dans le cerveau de l’abeille (imagerie calcique, électrophysiologie, interférence neuropharmacologique, entre autres). Des outils moléculaires sont également à notre disposition pour révéler les cascades moléculaires et les architectures génétiques sous-jacentes aux processus cognitifs des abeilles. De plus, notre travail a mené à l’établissement de scénarios en réalité virtuelle pour les abeilles, dans lesquels nous étudions l’apprentissage visuel et la prise de décision.

ERC Advanced Grant COGNIBRAINS

Nos protocoles de réalité virtuelle avec des abeilles fixées mais se déplaçant librement dans un environnement virtuel nous offrent une opportunité unique pour découvrir les circuits médiant les processus cognitifs de haut niveau dans le cerveau d’une abeille en plein comportement. Nous avons récemment montré que les abeilles peuvent résoudre des problèmes élémentaires et non-élémentaires dans ce contexte expérimental, nous permettant de combiner des approches comportementales, neurobiologiques et computationnelles pour déceler les mécanismes neuronaux sous-jacents à l’apprentissage non-élémentaire chez l’abeille.

Notre but est donc d’allier des observations comportementales d’abeilles en train d’apprendre des discriminations complexes et des règles relationnelles dans un environnement virtuel, avec des analyses neurobiologiques, par imagerie multi-photonique et par enregistrements multi-électrodes de populations de neurones grâce à l’accès au cerveau offert par notre protocole. Notre but est de déterminer les circuits neuraux d’apprentissage visuel élémentaire et non-élémentaire ainsi que l’implication des circuits de perception visuelle du cerveau de l’abeille, et la nécessité et la suffisance de ces circuits pour ces capacités. 

DÉCISIONS APPÉTITIVES ET TRAITEMENT GUSTATIF CENTRAL DANS LE CERVEAU DE L'ABEILLE

Gabriela de Brito Sanchez

Nous cherchons à décrypter la neuromodulation au niveau central du système gustatif des abeilles en nous concentrant sur les effets facilitateurs ou inhibiteurs des amines biogènes telles que la dopamine, l'octopamine, la tyramine et la sérotonine, ainsi que les effets de neuropeptides tels que le sNPF, sur les réponses appétitives et la prise de décision.

Nous nous intéressons aux neuropeptides pour lesquels les récepteurs ont été caractérisés dans le génome de l'abeille, et dont les rôles essentiels en font l'équivalent des systèmes motivationnels d’appétence chez le vertébré. Nous nous focalisons ainsi sur le système dopaminergique et sur la signalisation par la voie du neuropeptide sNPF.

Nous avons également étudié l'impact de ces molécules sur les prises de décision relatives à l'alimentation et à la recherche de nourriture. Notre objectif est aussi de caractériser leur rôle dans le saillance et traitement central des goûts dans le cerveau de l’abeille.

LES MÉCANISMES DE L'APPRENTISSAGE ET DE LA MÉMOIRE OLFACTIFS

La cognition olfactive est également une des thématiques principales de notre équipe. En utilisant le fait que des abeilles immobilisées peuvent être entraînées à associer une odeur à une récompense alimentaire d’eau sucrée (solution de saccharose), nous explorons les modifications de l'activité neuronale sur des sites clefs du circuit olfactif, résultantes de l'apprentissage associatif. Nous utilisons pour cela des techniques d'imagerie calcique afin de déterminer si les changements d'activité neurale dépendent de la complexité (élémentaire ou non) de la tâche d'apprentissage et de la relation spécifique entre les stimuli à apprendre (par exemple, conditionnement de trace ou retardé). Nous étudions également la relation entre ces changements et leur expression dans le temps en parallèele à la formation des mémoires olfactives.

Une hypothèse directrice de notre équipe est que les corps pédonculés - qui sont des structures cérébrales centrales et proéminentes - jouent un rôle essentiel dans la maîtrise des discriminations cognitives d'ordre supérieur. Nous ciblons spécifiquement des voies de neurotransmetteurs (GABAergiques, cholinergiques) afin d’inhiber de façon fonctionnelle les corps pédonculés et déterminer l'implication de ces structures dans la résolution de problèmes complexes. De plus, nous quantifions également l’expression de gènes candidats dans les corps pédonculés à la suite de différentes formes et processus d'apprentissage impliqués dans la formation des différentes phases de la mémoire. Cela nous permet de concevoir des stratégies d'interférence contre les acteurs moléculaires/cellulaires recrutés par ces processus afin de démontrer leur nécessité et/ou leur suffisance pour les processus cognitifs étudiés.